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Hygiène dans votre restaurant : préparez-vous à communiquer en toute transparence

Le décret relatif à la publication des résultats des contrôles sanitaires des restaurants devait passer le 1er juillet. Une semaine après, le texte est toujours en relecture au conseil d’Etat et cristallise de nombreuses tensions chez les restaurateurs.

Une classification à quatre niveaux qui évalue l’état d’hygiène d’un restaurant, une note incarnée par des smileys du plus souriant au moins sympathique et un espace dédié sur les sites des ministères de l’Agriculture et de l’Economie pour que les clients puissent consulter le détail de l’inspection d’hygiène. Voilà les grandes lignes du décret relatif à la publication des résultats des contrôles sanitaires dans les restaurants.

Les restaurants de Paris et Avignon soumis au test de la transparence

Cette mesure fait suite à une expérimentation menée à Paris et Avignon sur la propreté des restaurants. De juillet à décembre 2015, de nombreux inspecteurs vétérinaires et agents ont observé les cuisines, salles, frigos, ont noté les conditions de réception des marchandises, leur préparation, leur service mais aussi le comportement du personnel par rapport aux questions sanitaires.

A Paris, 8% des restaurants inspectés ont dû améliorer leurs mesures d’hygiène

Objectif de ces contrôles : faire évoluer le monde de la restauration commerciale vers une plus grande transparence pour rétablir la confiance des clients dans le secteur alimentaire. Car si dans la capitale française, 34 % ont obtenu une attestation « très satisfaisante » et 54 % « satisfaisante », 8 % ont été obligés d’améliorer leurs mesures d’hygiène, sous peine d’être obligés de fermer leur établissement.

 

Cependant le décret d’application de l’article 45 de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui devait être publié le 1er juillet, a pris du retard, encore décortiqué par les membres du Conseil d’Etat. Au ministère de l’Agriculture, on annonce être “toujours dans l’expectative, en espérant que le décision soit prise le plus tôt possible.”

“La transparence va tuer les affaires de ceux qui pour un carreau cassé peuvent se voir attribuer une mauvaise note”, Alain Fontaine, Maître Restaurateur du Restaurant Le Mesturet

Une impatience qui n’est pas partagée par les premiers concernés. Les restaurateurs ne voient pas ces smileys d’un très bon oeil. Pire, ils estiment que ces contrôles et leurs résultats affichés publiquement sur Internet risquent de dégrader la profession. “La transparence va tuer les affaires de ceux qui pour un carreau cassé peuvent se voir attribuer un mauvaise note. Imaginez-vous prendre un taxi. Si le conducteur devait marquer le nombre de points qui lui reste, est-ce que vous monteriez avec lui ?”, ironise Alain Fontaine, propriétaire de l’établissement Le Mesturet à Paris et membre du Synhorcat.

Faire contrôler l’hygiène de son restaurant par un laboratoire indépendant

En tant que Maître-Restaurateur, il craint notamment que les propriétaires et chefs ne prennent plus de risque en cuisine en préparant des produits frais. “Si l’inspecteur vient quand je reçois mes poulets du Gers et qu’il y a du sang partout, ou de la terre lorsqu’il s’agit de mes légumes, forcément ma cuisine ne sera pas propre, mais une heure après tout sera nettoyé. Ceux qui vont avoir les meilleures notes, ce sont ceux qui ne font pas de cuisine, ou plus précisément qui ne font pas rentrer des produits bruts dans leur cuisine. Un restaurateur qui veut gagner de l’argent et qui n’est pas passionné va faire appel à des fournisseurs de produits finis. Il va employer des gens issus d’autres formations que l’hôtellerie et la restauration pour les payer moins cher et dont le travail ne constituera qu’à couper des sacs sous-vides ou sortir du congélateur avant de les faire réchauffer au micro-ondes.” Alain Fontaine, qui a inventé le concept d’auberge de ville conseille à ses confrères de se faire suivre par un laboratoire indépendant.

Un mois pour prendre des mesures correctives et améliorer l’hygiène de son restaurant

Autre argument en défaveur de cette mesure : la durée de la note qui devrait être établie à trois ans pour les restaurants de province et dix ans pour les tables parisiennes. “Mais il y a un point sur lesquels les restaurateurs ne sont pas informés : pour ceux qui n’obtiennent pas une bonne note, ils auront près d’un un mois pour prendre des mesures correctives avant que le rapport sur la qualité de l’hygiène de leur restaurant ne soit publié sur les sites des ministères”, souligne Rudy Hattab, le fondateur de traQ’food qui permet aux restaurateurs de gérer l’intégralité des tâches quotidiennes et des actions de suivi du Plan de maîtrise sanitaire (PMS) depuis leur ordinateur et leur téléphone.

De l’importance de bien surveiller tous vos produits avec des DLC secondaires

Il ajoute : “Une grille d’audit va être mise en place avec de nombreux critères pour assurer la sécurité des denrées et des consommateurs : la traçabilité alimentaire, le relevé d’étiquettes, la maîtrise de la chaîne du froid, le plan de nettoyage et le contrôle à réception des marchandises seront scrutés avec une grande attention”.” Et Rudy Hattab met en garde les professionnels sur la nécessité de mieux communiquer avec leurs équipes sur les mesures de conservation de leurs produits ouverts. “Les restaurateurs doivent surtout se rappeler que lorsque les inspecteurs entrent dans leur établissement, ils ouvrent les frigo avant de dire bonjour. Il faut donc faire attention aux DLC secondaires des produits alimentaires ouverts car les chefs risquent de se faire reprendre sur les produits remballés, restockés et sur lesquels ne figure pas la date d’ouverture.”

L’hygiène : un argumentaire pour attirer de nouveaux clients dans son restaurant ?

De son côté, “l’Union des métiers et industries de l’hôtellerie (Umih) dénonce une mesure qui risque de stigmatiser la profession et ajoute que l’hygiène est un prérequis incontournable dans ce secteur”, rapporte le site PourquoiDocteur.com. Des pré-requis oui, mais trop souvent passés au niveau secondaire pour Boris Bazan, membre de notre partenaire L’Association Française des Maître Restaurateurs. Celui qui est à la tête du Groupe Les Fous de Bazan et de deux établissements à Paris trouve l’initiative de transparence plutôt salutaire pour la profession “afin d’éliminer ceux qui ne font pas leur travail et rééduquer nos clients, à condition de ne pas utiliser ces smileys comme un outil commercial.”

Une aubaine pour que les restaurateurs communiquent sur l’hygiène de leur restaurant et attirent plus de clients ?

Pas sûr que ce soit un point de vue partagé par tous les restaurateurs. S’il n’est pas obligatoire de les afficher, les smileys, notamment ceux qui dénotent un examen réussi, pourront être collés sur les vitrines du restaurant et apposés sur leur site internet. Le service de presse du ministère de l’Agriculture confiait hier à Zenchef que ces données publiques seraient “ un plus pour le marketing des restaurants et publiés sur les sites d’avis.

En attendant le passage du décret, pourquoi ne pas informer vos clients à travers vos réseaux sociaux et une newsletter pour leur expliquer comment vous gérez l’hygiène de votre établissement ? Sans entrer dans les détails, faites visiter les coulisses de votre restaurant en publiant des photos de vos cuisines, de votre personnel toque sur la tête, de vos plats. Vous pouvez même communiquer sur vos bonnes pratiques et votre engagement à promouvoirune cuisine et un service impeccables. Et afin de vérifier que vous êtes bien dans les normes, n’hésitez pas à télécharger les quatre tableaux de suivi d’hygiène que nous vous mettons gratuitement à disposition.

 

Heba Hitti

Mise à jour le 12 décembre 2023

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